Rentrée littéraire

Abandonné tel un animal de compagnie auquel nous aurions épuisé toute sa capacité à nous faire rire, c'est une poignante découverte qui m'attendait devant l'entrée du club en cette dernière semaine du mois d'août.

Emmailloté dans une petite couverture de papier glacé, le témoignage d'une carrière échiquéenne semée d'écueils était anonymement abandonné devant l'indifférence des passants.

La rentrée littéraire de septembre aurait-elle dicté ce geste de désespoir ?

Le titre de l'ouvrage ("La buse") évoquant plusieurs possibilités sur l'identité de l'auteur, je décidais d'approfondir mes investigations en parcourant le frêle corps de papier dans lequel se résumait désormais la somme d'une vie d'un joueur d'échecs.

Le temps de finir mon plat de moules-frites et de ranger les coquilles façon drakkar (en fait, si on emboîte les coquilles comme il faut, on arrive à faire une roue -mais c'est pas façile à faire tenir dans une assiette creuse-), le mot "FIN" de l'ouvrage barrait ma vue.

Désormais il n'y avait plus de doute dans mon esprit sur le nom de celui qui avait couché ces lignes teintées d'amertume et de désarroi. Pourquoi ne s'était-il pas confié à ses amis ? Les cours du mercredi lui auraient fourni les techniques de base pour pousser ses défaites au-delà du vingtième coup. 

A la façon de Botvinnik, je laissais mes pas nourrir ma réflexion lorsque je m'arrêtai devant la vitrine de la librairie Papi. La couverture d'un livre me fit sourire en songeant à ce que pourrait devenir la vie de celui dont je décidais de taire le nom :